Urbain de jouvence

 

Un article du Quotidien Français LIBERATION.  Par Jérôme Badie — 22 novembre 2016. Photographie : Elena Manente de Yes We Camp, Au camping des Grands Voisins, installé dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris. 

An article from the daily French Newsletter Liberation talking about civic innovation and…Volumes & CivicWise ! 

 


Investir des bâtiments vacants et des espaces en friche, apporter de la flexibilité dans les pratiques quotidiennes, favoriser l’élan collaboratif : «l’urbanisme temporaire» a le vent en poupe.


On connaît bien les squats d’artistes, pas toujours très bien vus par les riverains mais qui permettent l’émergence de talents et la libre expression artistique. On connaît aussi les propositions festives comme les plages urbaines ou les actions ponctuelles comme les piétonnisations dominicales. On connaît moins la transformation des espaces vacants en lieux «couteaux suisses», entre coworking, incubateurs, hébergement et ateliers d’artistes. Ou encore l’urbanisme collaboratif et la customisation d’un quartier par ses habitants. Ce concept séduisant «d’urbanisme temporaire», à réalités multiples, peu onéreux et souvent écolo, fait l’objet d’une rencontre jeudi au Pavillon de l’Arsenal à Paris, avec l’association Plateau urbain et sous l’égide de la mairie de Paris.

Toutes ces initiatives ont un point commun : elles rendent obsolète le modèle fonctionnaliste incarné par Le Corbusier et qui assigne une fonction à un espace. Ce sont des démarches bottom up, c’est-à-dire qui vont du bas vers le haut, de l’usager vers l’architecte ou vers le promoteur, et promouvant le do-it-yourself (fais-le toi-même), très en vogue ces temps-ci.

«Le projet urbain n’est plus un croquis réaliste pensé par un cabinet d’architectes mais un processus», décrypte Mathieu Delorme, ingénieur urbaniste et paysagiste chez Atelier Georges et enseignant à l’école d’architecture de Marne-la-Vallée. Le mot d’ordre qui prévaut désormais : rester flexible car personne n’est capable de prédire la ville et les usages de demain.

Un an renouvelable

«La vacance immobilière représente trois millions de mètres carrés en Ile-de-France. L’équivalent de 75 tours Montparnasse», fait claquer Jean-Baptiste Roussat, géographe urbaniste et nouveau président de Plateau urbain. C’est sur ce constat que s’est créée l’association, avec l’ambition de valoriser une partie de ce patrimoine avant qu’il ne trouve preneur sur le marché ou qu’il ne soit détruit. Il poursuit : «L’évolution des modes de travail fait qu’une frange non négligeable de porteurs de projets entrepreneuriaux, culturels ou associatifs, suffisamment ingénieux et souples, peuvent s’accommoder de ces espaces temporaires, dès lors qu’on leur donne des conditions lisibles juridiquement. C’est une colocation d’activités à prix réduit, le propriétaire ayant souvent abandonné l’idée d’une valeur commerciale de son bien mais pas sa valeur d’usage.» Les occupants ne paient que le prix des charges.

«L’opération est gagnant-gagnant, explique Laurent Vuidel, président de Lerichemont, une filiale de la Ville de Paris spécialisée dans le logement temporaire et social. Le propriétaire n’a pas à faire garder son bien, il couvre ses charges et donne un coup de pouce à des artistes ou à des artisans. C’est le cas d’OpenBach créé avec l’association Labolic à Paris dans le XIIIe arrondissement. Dans ce petit immeuble d’un peu plus de 500m2, qui doit être détruit pour construire un bâtiment plus haut, une quinzaine de structures tournées vers l’art et l’impression 3D se sont installées pour une durée d’un an renouvelable.» Quand les équilibres sont souvent difficiles à trouver pour de jeunes structures qui manquent de financements, ces loyers modiques et ces conditions, même précaires, apparaissent comme des subventions indirectes vertueuses.

Autre occupation temporaire enthousiasmante : les Grands Voisins, au cœur de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le XIVe arrondissement de Paris. Tout commence en 2012 par l’installation d’hébergements sociaux et d’urgence par l’association de réinsertion Aurore. En 2014, l’hôpital ferme ses portes et Aurore fait le pari d’occuper tout l’espace : trois hectares ! Coût de l’opération : 1,5 million d’euros par an. Un partenariat à trois se crée, avec Plateau urbain qui gérera la mixité des structures et Yes We Camp, en charge de l’animation des espaces extérieurs et culturels. Résultat : 140 structures, 2 000 personnes, 600 habitants (dont une part en hébergement d’urgence) occupent ce qui doit devenir un écoquartier avec logements (dont 50% sociaux) et locaux d’associations. La convention qui lie les trois à la Ville prend fin mi-2017 avec le début des travaux.

 

Des solutions légères

Ce projet a-t-il pour autant donné à la mairie l’envie de modifier son projet initial ? Pour Jean-Baptiste Roussat, «tout le monde convient que l’expérience est réussie. Le plan d’urbanisme ayant évolué, on a des interstices dans lesquels on peut continuer à se glisser. Toutefois, cette réflexion va se confronter avec l’urbanisme traditionnel et ses financements habituels». Et pour les occupants ? «On va travailler sur le degré de maturité de chaque structure et sur leurs désirs. Certaines sont en incubation et ne souhaiteront pas rester.»

Bien qu’il existe des mouvements alternatifs marginaux comme les «rurbains» qui quittent les villes pour les campagnes, la ville reste un pôle d’attractivité puissant, avec ses atouts évidents : dynamisme économique, proximité des services publics et offre variée de transports. «C’est la mobilité qui a le plus évolué depuis 1945, explique Benjamin Pradel, consultant chercheur en sociologie au sein de la coopérative Kaléido’Scop. La vitesse des déplacements réduit les distances et permet un étalement géographique de la ville. Lorsqu’il est subi, ce phénomène peut faire naître un sentiment de frustration et de déclassement appelant des solutions légères, personnalisables et appropriables.» De fait, les choses évoluent: «On assimile toujours la ville dense à la ville durable. Mais, depuis quelques années, la recherche pose aussi un autre regard sur les espaces périurbains [au-delà des banlieues, ndlr] supposés antidéveloppement durable, ségrégationnistes ou individualistes. On valorise désormais davantage certains modes de vie créatifs, certaines manières de se déplacer, certaines proximités sociales.»

En périphérie aussi

L’Amérique en fournit un exemple avec Better Block. Cette fondation à but non lucratif a été fondée à Dallas (Texas) par Jason Roberts, activiste salué pour son innovation par Barack Obama himself. Et son idée s’adapte parfaitement aux banlieues parfois délaissées. «Il y a une quinzaine d’années, tous mes amis commençaient à quitter Dallas pour des villes plus cool comme Portland ou Houston. Les quartiers périphériques, où je vivais, connaissaient des problèmes de criminalité et de désinvestissement public. J’ai pensé qu’il fallait changer les choses et remobiliser les habitants. Ceux qui ne pouvaient pas bouger d’ici. Avec des amis, on a commencé par restaurer un vieux théâtre qui tombait en ruines [le fameux Texas Theatre où fut arrêté Lee Harvey Oswald ndlr], puis j’ai monté une association pour faire revenir le tramway, puis ce fut Better Block», raconte Jason Roberts. Histoire de mettre les autorités locales devant le fait accompli, il a mobilisé les habitants de son quartier de Oak Cliff, à Dallas, et mis en place des autocollants pour créer une piste cyclable, installé des magasins ou des galeries d’art éphémères… Et ça a marché. Aujourd’hui, la fondation intervient en soutien dans de nombreuses villes, surtout américaines, pour aider à organiser la mobilisation citoyenne, à repérer les leaders locaux, etc.

La fondation propose aussi depuis deux mois des modèles open source à télécharger, via la plateforme Wikiblock, pour créer du mobilier urbain en bois (bancs, îlots piétons, kiosques, cafés…) à fabriquer soi-même dans un makerspace, des espaces partagés de fabrication rapide qui se développent partout dans le monde, y compris en France. Citons entre autres l’initiative Volumes. Cet espace collaboratif parisien soutient et accompagne de nombreuses initiatives tournées vers l’urbanisme collaboratif : FabCity Grand Paris, Civic Wise ou bien l’association Bellastock, qui organise notamment un festival annuel d’architecture expérimentale.

Tous ces acteurs jeunes, engagés et brillants, forment un tissu effervescent, qui doit encore se structurer un peu, mais qui pèse de plus en plus dans la fabrique des villes contemporaines. 


Toute la communauté CivicWise est très fière de ce coup de projecteur sur l’immense travail des collectifs engagés et lui donne, s’il le fallait  une énergie immense pour continuer son travail : favoriser la capacitation des citoyens et l’engagement civique par l’intelligence collective . 

 

The entire CivicWise community is very proud of this spotlight on the enormous work of committed collectives and gives it, if necessary, immense energy to continue its work: fostering citizen empowerment and civic engagement through civic engagement and collective intelligence . Thanks a lot to the Daily Newsletter Liberation and journalist, Jérôme Badie. Adelante!

 

 

 

 

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